Prix de thèse 2025
Le 23 mai 2025, pour la troisième année, l’université Sorbonne Paris Nord a remis son Prix de thèse lors de la cérémonie diplômes de doctorat.
Ce prix distingue deux thèses issues des écoles doctorales de l’université : une en sciences exactes et expérimentales et une autre en sciences humaines et sociales.
Ce prix vise ainsi à récompenser des travaux récemment publiés pour leur qualité exceptionnelle et à reconnaître l’excellence de la contribution des doctorants et doctorantes à la production scientifique.
Le jury a sélectionné pour l’école doctorale Erasme : Julie Richard
et un accessit : Laure Beaulieu
Julie Richard
Spécialité : Histoire
Laboratoire : Centre de recherche pluridisciplinaire en Lettres, Langues, Sciences Humaines et des Sociétés (Pléiade)
Directrice de thèse : Marjolaine Boutet
Sujet : Les limites du contrôle éditorial dans les séries américaines de l’âge classique (1950-1974) : les professionnels du monde de la fiction télévisée au défi de la représentation de la peine de mort.
Laure Beaulieu
Spécialité : Sciences de l’information et de la communication
Laboratoire : Laboratoire des Sciences de l’Information et de la Communication (LABSIC)
Directrice de thèse : Claire Blandin
Sujet : Ce que #MeToo fait au travail journalistique : Ethnographie d’une rédaction de presse écrite nationale
Les professionnels de la fiction télévisée des années 1950 à 1970 sont l’objet de cette recherche. Il s’agit de comprendre comment les conditions de la production des créatifs éclairent les épisodes de prime-time produits, et plus spécifiquement un corpus de 170 épisodes de séries variées rassemblés sur la base de la présence du thème de la peine de mort. Des témoignages et des archives de production permettent de décrire la production de séries télévisées comme une activité de travail avec ses procédures, et sa répartition inégale du prestige, du pouvoir et des profits. Le statut des scénaristes, réalisateurs, et producteurs est ainsi paradoxal : dominés dans le monde de la télévision, soumis aux injonctions des cadres et des éditeurs (du service «standards and practices») en charge du contrôle éditorial, les créatifs sont cependant dans une position d’élite dans la société. Tout comme les professionnels du contrôle éditorial, les créatifs embrassent un point de vue paternaliste sur le public perçu dans sa majorité écrasante comme un enfant, au sens propre et au sens figuré. Ce statut paradoxal nous permet de mieux saisir les représentations de la peine de mort, analysée comme situation opposant une autorité et un marginal dans un rapport de pouvoir déséquilibré. Dans les années 1950, les créatifs mettent en scène des lynchages légaux, traduisant dans la fiction leur position de faiblesse dans le contexte du maccarthysme et de la liste noire. Les exécutions restent par ailleurs dans le hors champ, témoignages de l’idéologie paternaliste : il s’agit de protéger le téléspectateur de son propre supposé voyeurisme (qui l’empêche d’être un citoyen digne d’assister à l’acte judiciaire et politique). Enfin, la mise en scène récurrente de condamnés appartenant à des groupes marginaux sauvés par des héros blancs, semble traduire la volonté des créatifs d’être des intellectuels progressistes, dont la mission est de défendre les faibles et les opprimés, pour compenser un statut d’artiste inatteignable à la télévision. La présence de ces thèmes, découlant de questionnements propres à l’identité professionnelle des créatifs, montre les limites ou le laisser faire du contrôle éditorial organisé par les commanditaires des programmes.
À partir d’une ethnographie par observations et entretiens, cette thèse étudie un média de presse écrite nationale au prisme du genre, dans le contexte post #MeToo. Elle examine en quoi ce moment historique de diffusion et de relégitimation des idées féministes, notamment sur la question des violences sexistes et sexuelles, façonne l’organisation de la rédaction, les routines de travail et les contenus publiés. Après avoir montré en quoi le genre travaille les hiérarchies et segmentations au sein de la rédaction, la thèse s’intéresse aux politiques managériales mises en place dans le contexte du « moment #MeToo » pour traiter les inégalités et les violences de genre au sein de la rédaction. Elle met ensuite au jour les évolutions des normes et pratiques journalistiques sur les questions de genre et de féminismes, et les débats et tensions qu’elles suscitent au sein de la rédaction, à partir de plusieurs « affaires » qui ont cristallisé ces enjeux. Elle révèle des formes différenciées d’appropriations des idées féministes par les membres de la rédaction qui s’articulent avec des conceptions différenciées de l’excellence journalistique. Cette recherche montre in fine que dans le contexte post #MeToo, les sujets en lien avec le genre, les féminismes et les violences sexuelles ont fait l’objet une légitimation fragile au sein de la rédaction, sans pour autant connaître une trajectoire d’institutionnalisation.